Les Accents têtus

Jungle

Je m’arrête un instant, haletante, tenue parallèle à la pente par la branche où s’appuie tout mon poids. La branche sous laquelle, tout à l’heure, il va falloir passer.

La sueur coule jusque dans mes yeux, tout le long du cou et sans doute tout le long du corps, et va se mêler aux larges plaques humides de mes vêtements détrempés par les chutes ou par le passage trop proche d’une giclée de feuilles. L’image que je pourrais renvoyer me traverse un instant l’esprit, suivie de celle de chute à plusieurs dont nous avions tant de mal à nous extraire sous les rires des autres. Ce rire qui me revient, me parcourt, me délasse.

La branche à passer. Quelques pas encore et la lumière là-bas, crue, dure , au delà du couvert sombre de la forêt et de sa profusion déraisonnée de souches , de touffes, de pousses et de repousses entrelacées.

Nouvelle glissade sur une racine luisante, mol atterrissage de la jambe, et du flanc, et du bras dans le sol spongieux. Nouveau bain de boue qui se colle à l’ancienne et vient alourdir les chaussures. Des chaussures ne ressemblent plus à rien. Peut-être vaguement à des sabots de terre. Encore un peu, ils se détacheront d’eux-mêmes et retourneront à leur matière première…

Encore quelques pas… Non, la main au sol agrippe quelque chose de solide et dur, et l’empoigne fermement. Le corps rampe et suit. Plus haut la main maintenant! Le corps se redresse enfin et la tête perce le plafond de feuilles.

Stupéfaction. Vertige. Il n’y a rien. Rien que de la lumière dans laquelle mon corps suspendu oscille au bord de rien. Du couvert de la forêt ne reste plus qu’une tâche sombre déjà lointaine et rongée d’ouate. La bouche ouverte boit jusqu’à l’étouffement cette pluie de lumière intense avant que, ruisselante, un peu revenue de ma stupéfaction, je finisse par deviner quelques vagues formes au loin, des collines peut-être, tapies sous la brume. Encore un moment et le tableau s’anime : une fleur étrange aux couleurs violentes se détache (éclot ?) brutalement, plus loin c’est une branche venue de nulle part. Puis une épaule passe. Une main, une autre, une jambe qui surgissent et disparaissent à nouveau… une silhouette qui ose courir. Ils sont là. Enfin je perçois à nouveau des paroles éparses, des exclamations, des (les ?) commentaires de mes compagnons émergeant à nouveau de ce brouillard qui avaient absorbé jusqu’à leurs voix. (qui semblait avoir absorbé jusqu’à leurs voix).

Catherine H.

31/07/2011