Les Accents têtus

Sur la route de l’atelier…

« Toutes choses sont faictes clères par escriptures »

Un matin, vous vous rendez à un atelier d’écriture. Cela faisait des années que vous achetiez des cahiers, des stylos, matériel, outils dont vous ne faisiez rien et qui restaient dormant dans vos tiroirs.

Lors d’une rencontre, un hasard, une personne vous a proposé de venir dans un atelier d’écriture, c’était la main tendue pour vous aider à faire le premier pas.

Et vous ne savez rien de ce que vous y ferez, rien des gens que vous rencontrerez. En cours de route, vous vous prenez à douter, à craindre. Quelle prétention est la vôtre ? Mais vous êtes en route, pris dans le flot du désir, plus question de rebrousser chemin, vous êtes tout prêts de l’adresse indiquée. Trop tard.

Il vous vient à l’esprit que vous avez lu, entendu à la radio que dans ce pays et dans de nombreux autres lieux des milliers de gens s’ adonnent à cette activité, l’écriture, bouteille jetée à la mer, pour dire quoi et à qui vous savez.

Un des reproches formulés par les critiques littéraires concernant les écrivains français des années deux mille c’est de ne parler que de leur nombril, de leur tout petit monde, papa, maman, bébé, bobo, extravertis, impudiques. Incapables d’embrasser tout un monde, une société avec ses luttes de classes, ses guerres, ses amours, ses luttes de pouvoir et toutes les vilenies qui vont avec. Fini les Balzac ? Mais alors vous, petit scribouillard écrivant, qui n’avez pour tout bagage que votre misérable petite vie, vous n’allez tout de même pas tomber dans cette honteuse mise à nu. Non. Jamais !

Et pourtant au bout de trois ou quatre séances, vous vous rendez compte que vous avez déjà mis un bon doigt, presque la main et qu’il serait temps d’arrêter. Certains dont je fais partie s’aperçoivent, mais un peu tard, que l’écriture c’est peut-être avant que de se raconter des choses, du vocabulaire, de la syntaxe, de la conjugaison, de l’orthographe. Voilà que vous vous jetez sur le dictionnaire (ça s’écrit comment ?). Vous vous précipitez sur le Bescherelle que vous aviez acheté il y a longtemps, si longtemps. Vous vous promettez de regarder sérieusement comment se conjuguent certains verbes et comment on écrit tout ça. Vous ne l’avez jamais fait et vous prenez la vague en pleine figure. Demain ce sera un tsunami. Ne sombrez pas dans le désespoir. Vous savez que beaucoup d’écrivains fort célèbres faisaient aussi des fautes, vous serez en bonne compagnie.

Pendant vos insomnies, il vous plait à penser que dans d’autres galaxies il y a peut-être, il y a sûrement, des petits hommes verts qui fréquentent les ateliers d’écriture.
Ils doivent certainement parler de leurs petites misères et de leur monde que nous ignorons. Certains d’entre eux doivent penser que dans l’autre galaxie, la nôtre, il y a des écrivains avec qui ils aimeraient bien communiquer. Des scientifiques de chez nous ont envoyé des messages chez ces petits hommes verts. Ils ont figuré une femme, un homme, et quelques signes pouvant être compris. A ce jour, année deux mille onze, il n’y a pas de réponse. Y a-t-il quelqu’un là-bas ? Si oui, a-t-il vu un de ces messages ? Et si oui en a-t-il saisi quelque chose ?

Vous êtes convaincu pour votre part que si un de ces messages a pu parvenir jusqu’à eux, ce message aurait du être un simple panneau sur lequel aurait été inscrit « atelier d’écriture » et un de ces petits écrivants, se frottant longtemps ses antennes, aurait fini par comprendre et, fou de joie, vous aurait envoyé l’Oeuvre complète de sa vie et du monde mystérieux dans lequel il vit. Ah la belle fête, quand dans les années deux mille cinquante de joyeux écrivants partiront, écrits sous le bras, dans un une belle fusée, chez les écrivants de Vénus par exemple ! Reçus et bisoutés par Vénus en personne… L’écriture n’est pas qu’une confession, c’est aussi un voyage. C’est aussi une date. Tel jour, telle heure, il n’est pas question de traîner. Je vais à l’atelier.
C’est aussi la culpabilité. Je n’ai rien écrit, Vous allez décevoir. Vous avez payé pour vous faire tirer les oreilles, à votre âge. Ce n’est pas sérieux. Bonjour Mr Freud, j’ai un problème.
La drogue est bien en vous maintenant. Vous êtes accro, engagé pour de bon. On ne vous l’avait pas dit ? Tant pis pour vous.

Jan

30/07/2012