Les Accents têtus

Persona Obscura
Les mots des Accents têtus révélés par les étudiants en graphisme d’Eugénie Cotton

En jouant sur l’illisibilité, les masques ou les superpositions, les étudiants-graphistes du lycée Eugénie Cotton proposent un voyage captivant et ludique dans l’écriture et la lecture à partir de textes écrits à l’atelier les Accents têtus. Les recueils, clips typographiques et kakémonos sont à découvrir à la galerie Ephémère de Montreuil du 9 au 19 juin.

Exposition Persona obscura © Les Accents têtus, 2022

Quoi de plus intriguant qu’un soliloque narratif - un personnage s’ouvre à quelqu’un mais cet autre n’a pas la parole. Ou une adresse à un personnage à la 2ème personne (tu/vous) sachant que l’origine de la voix est inconnue…

Sept textes écrits à partir de ces procédés d’écriture - et un titre Persona obscura, allusion à la célèbre camera obscura, la chambre noire de Léonard de Vinci - imaginés par les participants-auteurs de l’atelier Au Fil du Récit ont été soumis aux étudiants-graphistes en DN MADE 2 (Diplôme national des métiers d’art et du design) option graphisme du Lycée Eugénie Cotton.

Découvrir les textes

Soit 7 histoires mettant en scène un infirmier en burn-out : Noirceur, les fantasmes d’une lectrice dans une bibliothèque : Et, les errements d’un séducteur : Mal-adresse, les espiègleries d’un tableau dans un musée : Eye-contact, les souvenirs dans un cimetière : Tant perdu, la mégalomanie d’un artiste : Soliloque d’un artiste peintre et les confidences sur un meurtre dans un salon de thé : Matthieu.

Avec une grande liberté tout en respectant les limites imposées par la commande, les étudiants -graphistes s’en sont emparés pour créer des recueils qui apportent une vraie valeur ajoutée aux textes. « Ils ont pensé le format de l’objet, sa manipulation, le (s) papier (e), la mise en page du texte, la typographie, la reliure, l’organisation du contenu, la relation des pages entre elles. Chacun a ainsi proposé un parti-pris radical donnant à voir la singularité des sept textes mais aussi la cohérence du corpus », indique Christelle Joly, professeur en design graphique pour le parcours "« objet éditorial »".

Le mystère autour du personnage / du narrateur

En lisant les textes, Océane Merschneck s’est sentie investie d’une mission : « être la gardienne du secret qu’on me livrait ». Aussi a-t-elle imaginé un dispositif d’enveloppes renfermant les textes édités sur des posters attirants mais dont le déchiffrage est impossible (absence de contraste, vision trouble…). Une deuxième partie du recueil reprend les textes édités lisiblement, métaphore du secret révélé.

Ces « zones d’ombre » dans les textes, Camille Van der Cruyssen a entrepris de les représenter en semant de-ci de-là d’élégants masques noirs sur la blancheur de la page. Lire suppose de les soulever légèrement.

L’accent mis sur le procédé d’écriture

C’est le procédé d’écriture à la 2ème personne qui a conduit Thomas Ascendao à glisser des calques reprenant uniquement les « tu » ou « vous » répétés dans les textes. A la lecture on s’amuse à superposer les pronoms personnels. Cette rationalisation l’a aussi amené à séparer les textes au tu de ceux au vous (deux parties dans le recueil, avec deux entrées en miroir), le formalisme du vous exprimé par une mise en page plus stricte et une couleur plus éteinte - le bleu, que la partie au tu.

Mouna Mazouzi s’est aussi focalisée sur la répétition des pronoms personnels mais, à l’inverse, par un jeu de calques noirs. Façades sombres, ils dissimulent le texte n’en laissant apparaître que de minuscules percées à l’endroit des « tu » ou « vous », petits carrés de lumière blanche comme des balises. La reliure en anneaux ajoute à la simplicité et la fugacité de l’ensemble.

Interrogeons-nous sur l’acte d’écrire…

Qu’est-ce qu’écrire sinon « creuser à même son esprit, rechercher en soi des histoires des lieux, des personnages » ? Pour illustrer ce cheminement et que le lecteur puisse aussi en faire l’expérience, Suzanne Tassel a introduit des strates de pages blanches creusées d’amples formes organiques concentriques menant aux textes.

A la fois « espace pour le lecteur » et champ d’expérimentation », le recueil d’ Achille Panibratchenko tient autant du journal intime que du carnet de voyage. Des rabats en kraft ou en papier de couleur sont collés pour encourager le lecteur à dessiner ou à prendre des notes. Il propose aussi de lire dans des lieux reliés aux histoires : « Lecteur, cet espace est le tien, fais-en bon usage ».

… Et sur notre manière de lire

Carmen Kunga Tomasi s’est concentrée sur la relation entre les textes. Elle a représenté pour chacun, sur des calques au format A4 (format choisi pour le recueil) des visuels abstraits, figuratifs ou typographiques illustrant des passages ou des mots-clés des textes. «  Tes pensées vacillaient  » (dans le texte Mal-Adresse) s’enroulent comme des nœuds. «  Il arrive même pas à tuer les moustiques alors une nana  » (dans le texte Mathieu) délivre une planche des insectes agrandis. Une belle unité se dégage de cet ensemble.

Afin d’exprimer son ressenti à la lecture des textes, Giselle Manto a élaboré un subtil travail typographique sur chaque titre (dessiné à la main), qui se superpose à un passage clé agrandi, le tout étant fiché au beau milieu du texte en monochromie de bleu. Une distribution étonnante qui rehausse le plaisir de lire.

les animations typographiques

Onze clips typographiques de 10 secondes ont été réalisés sur la base de groupes de mots ou phrases issues des textes. Les étudiants graphistes du DNMADE images narratives ont travaillé à partir de manuscrits des auteurs de façon à mettre l’accent sur la gestuelle et l’expressivité des phrases choisies.

Les animations ont été développées sur le logiciel After Effects ou en stop-motion.

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