Les Accents têtus

La crocodile

Je suis une crocodile, je passe ma vie à traverser le Nil : aller, retour, aller, retour… et ainsi de suite. Aujourd’hui, je suis en train de faire ma toilette, et je vois… devinez quoi ? Un petit humain à l’horizon ! Je ne dis jamais non à la nourriture. Et de l’humain c’est délicieux !

En attendant qu’il arrive à ma portée, je décide quels amis inviter pour une bonne soirée à manger de l’humain. Je viens de rédiger ma liste (dans ma tête) lorsque l’humain arrive à ma portée (qu’il est gras ce repas sera un régal) et m’interpelle :

– Bonsoir, je m’appelle Plume et je suis fatigué, puis-je dormir à côté de toi, et pourrais-tu me protéger des bêtes sauvages ?
– Oui bien sûr, bonne nuit ! lui dis-je de la voix la plus miellieuse possible.
Et voilà le petit humain en train de dormir. Je vais pour le tuer quand il se réveille en hurlant : Ah ! Quel horrible cauchemar ! Puis il me voit la gueule grande ouverte au-dessus de lui et me demande :
– Mais tu n’allais pas me manger par hasard ?
– Euh… Oui, dis-je (si il y a quelque chose que je n’aime pas c’est mentir).
– Eh bien pour te racheter, tu vas me faire traverser le Nil sur ton dos.
– Bon, bon c’est d’accord, dis-je. De toutes façons, je vais le traverser ce Nil. Alors, avec ou sans viande sur mon dos, cela ne change pas grand chose…

Le voyage fut instructif pour moi, j’appris plein de choses sur les humains : le petit homme (toujours aussi gras) passait ses journée à « pécher ». Le concept c’est de consacrer toute sa journée à tenir un bâton au dessus de l’eau, au bout duquel une corde est accrochée. Le bout de la corde est dans l’eau. L’humain sort quelquefois sa corde de l’eau avec un poisson au bout que j’engloutis. Et alors là, je ne vous raconte pas : le gras humain se met à me taper sur le dos, ça fait un de ces massages ! Et en chantant à tue-tête. Je ne suis pas très bonne en langage d’humains, mais je crois que c’est un chant pour me remercier d’avoir mangé son poisson, en tout cas il dit à peu près ça :

– Sale bête, qu’est-ce-que je vais manger maintenant ? Hein ?
Même quand je n’ai plus faim je mange le poisson pour me faire masser.

Un matin lorsque je me réveillais, je vis un homme qui parlait à mon passager. Plume avait l’air embêté. L’homme lui criait dessus. Alors Plume me dit :

– Je vais devoir rester avec cet homme. Tu peux partir maintenant : tu t’es racheté. Merci pour tout ! Je ne t’oublierai jamais !

Et je suis partie inviter mes copines à faire je ne sais plus quoi.

Lucile

Extrait de « Voyage en Egypte »

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19/10/2012