Les Accents têtus

Jour Nuit

Jour : le crissement des cigales dans le champ.
Nuit : le galop des loirs sur la charpente.
Jour : le couïnement de Sophie la girafe qui réveille mon grand-père en pleine sieste.
Nuit : le tic-tac du coucou.
Jour : les voix de canards synthétiques des héros des dessins animés.
Nuit : le frémissement de la voix de Monsieur Seguin, qui, incarné par ma grand-mère, chevrotte un déchirant « Reviens, Blanchette ! »
Jour : le pépiement les poules et le cocorico enroué du petit coq, grimpé dans le buis.
Nuit : le glapissement du renard qui me glace le sang.
Jour : l’âne qui brait à pleines gorge, les chiens qui aboient, de l’autre côté du grillage, pour le provoquer, et tant qu’à faire les chèvres qui ajoutent leur bêlement au concert.
Nuit : la respiration des enfants dans la chambre, certains parlent un peu en dormant.
Jour : le chant joyeux des pommes de terres en grosses langues, des beignets d’aubergine ou des tout petits poissons dans le bain de friture.
Nuit : le pas lent du corbeau sur le toit, le pas lourd du blaireau dans la broussaille, qui ressemblent au pas d’un brigand tournant autour de la maison.
Jour : dans le grenier, faire craquer le plancher quand on fouille dans les malles aux trésors, avec un délicieux frisson de transgression.
Nuit : les bing et bang de la tôle métallique du radiateur, où j’ai posé une petite musette de paille tressée où j’ai mis pour la nuit le lapereau blessé ramené par le chien, et qui saute sur place.
Jour : le clair tintement du téléphone : super, c’est Maman !
Nuit : les voix dans ma tête qui me racontent des histoires.
Jour : les films comiques avec Bourvil, Fernandel et de Funès que la troupe de cousins regarde plusieurs fois, à chaques vacances, en clamant en cœur les répliques, avec leur petite musique guillerette et la prononciation si datée des acteurs.
Nuit : le vrai silence qui s’étend quand on regarde la voie lactée.

Agnès

05/09/2018