Les Accents têtus

El khatabar

En vacances, dans la maison de maman en Algérie, nous sommes tous dans le séjour. Nous nous préparons pour le dîner. Tout en préparant la table, nous suivons les informations du soir qui passent à la télévision. Ma fille Amina lit un mot qui s’affiche sur le petit écran télévisé : أخبار - el kha ta bar (informations)
Mon neveu Sidi-Mohamed, qui vit là-bas l’entend et lui dit :
– ça va, arrête de crâner, tu connais par cœur ce mot.
– N’importe quoi ! Pourquoi tu dis ça ?
– Tu m’as entendu certainement le lire à haute voix !
– Depuis quand tu lis devant nous ?
– Tu ne me la feras pas à moi. Je ne te crois pas une seconde !
– Mais oui c’est ça, tu es le seul à savoir lire l’arabe ! Tu m’énerves.
Il hausse la voix et lance à la cantonade : « vous avez vu ? Genre elle sait lire l’arabe ! ha ! ha !
Tous les regards se tournent vers ma fille Amina. Tu sais lire l’arabe ? Depuis quand ? lui demande ma sœur.
Oui, je sais lire quelques mots d’arabe. Tiens, regarde ce mot qui passe à la télé : « رئيس - r a ïs (président) ». Bon, ce n’est pas évident d’essayer de lire à l’écran, les mots défilent trop vite.
Mais je peux le prouver. Donne moi une feuille et écris n’importe quel mot, pas trop dur bien entendu, et tu vas voir si je ne sais pas lire.
Mon neveu prend une feuille et écrit un mot.
Tiens, à toi, lis.
Amina commence à déchiffrer les lettres.
‎شكرا - sh ou k ra n shoukran (merci), Ha houai !
Attends un autre : رجل - ra j ou l rajoul (homme). Tu m’en bouche un coin.
Vas-y, dit Amina encore d’autres,
‎سلام - sa la m (paix), ولد - wa la d (enfant), قهوة - qa h wa (café), كتاب - ki t ab (livre)
Alors tu vois ! Ce n’est pas des bêtises.
Pour te dire, l’autre jour au cimetière, ma mère n’arrivait pas à trouver la tombe de notre arrière grand-père. Tu te rappelles maman ?
Ha oui ! C’est exact, avec une pointe de fierté, heureusement qu’elle était là ! Nous avons tourné pendant un bon moment et Amina a réussi à lire sur la pierre tombale, SEFOUNI Kaddour.
Tu vois, j’arrive à me débrouiller, je ne me la raconte pas ! Et pour votre information, j’ai pris quelques cours d’arabe à l’université. J’ai encore du mal avec certains mots. J’ai besoin des petites encoches pour lire mais je ne baisse pas les bras.

Badia

10/2015