Les Accents têtus

Septième symphonie

Dans un pâle printemps de début de saison,
difficilement remis d’un hiver particulièrement froid
où la neige est beaucoup tombée.

L’herbe est encore gelée par endroits.

La lune est presque pleine,
elle illumine la forêt et le ruisseau d’eau vive qui la traverse.

Aucun autre bruit que le grattement de l’écureuil sur le tronc d’un arbre,
un oiseau qui se retourne dans son nid
les arbres se souhaitant le bonsoir…

Un jeune cerf de sept ans sort des arbres
et s’avance près de l’eau pour se désaltérer.

Son regard aperçoit son reflet
il le contemple longuement, un poisson frétille et brise l’image.

Le cerf relève la tête et voit
deux corbeaux qui se posent à ses côtés
pour eux aussi se rafraichir les plumes.

Aucun des visiteurs nocturnes ne s’occupe des autres.

Soudain le corbeau s’interrompt,
le cerf frémit
et les ailes noires battent dans la bise.

Un craquement se fait entendre.

C’est un son subtil et inquiétant,
doux mais cassant.

Une botte sur une branche morte.

Une ombre surgit d’entre les arbres
comme née de l’obscurité même.

C’est un Rôdeur qui s’approche,
la lame d’acier est dans sa main,
la lune brille dessus,
le cerf a peur et il s’enfuit.

Mais la lame choit,
l’homme pose un genou à terre,
tente de se relever,
s’étale sur l’herbe humide.

Une tâche sombre s’étend sous son ventre.
Il vit.
Son souffle effleure les brins devant son visage.

L’instinct bestial intime aux animaux que c’est un homme blessé
et nullement dangereux.
Quelqu’un qu’il faut aider et non fuir.

Alors le cerf s’approche,
se saisit avec les dents du plastron de cuir
et le tire lentement à l’eau
jusqu’à ce que les cheveux s’y trempent.

L’humidité réveille le Rôdeur,
il relève la tête
regarde autour de lui,
plonge la main dans les eaux vives et boit.

Il se retourne sur le dos et contemple le ciel noir,
il marmonne quelques mots destinés à lui-même.

Ses yeux se voilent.
Il tend la main pour flatter le cerf allongé à ses côtés.
Puis il fait noir.

Les corbeaux se posent l’un sur son torse,
l’autre sur sa tête.
Silencieusement
ils veillent.

GDH Asylum

Texte écrit sur l’écoute de la 7ème symphonie de Beethoven

30/08/2012