Les Accents têtus

Le Sculpteur d’air

Il sculpte l’air. Il coupe. Des nappes d’air hautes comme des maisons. A l’atmosphère, la vitesse donne une densité ailleurs imperceptible. Dans l’air, il me balance à grande hauteur et m’y contient. J’en reveux.

Je bascule mon bassin et projette mon corps à bout de bras. J’accompagne l’élan qui me propulse à nouveau vers l’avant. Caresse douceur de l’air, tout mon corps. Transperce le vent. Cette densité qui étreint si fort, soutient mon envol, se déploie et avale l’espace.

Le goût de l’air sur la peau. La caresse nue. L’effroi du cœur qui bat et suspend son tempo, s’exalte dans l’espace qui chavire. Une chute arrimée se délecte dans le poids d’être gainé dans rien. Dans tout. Pressuré d’une infinie douceur. Saisie du corps dans l’épaisseur du vent.

La toile bleue contient l’élan. Aspiré à l’extrême du temps. Pendule du ballant. Succession des instants en arrêt. En appui dans l’air. Tension des cordes immobiles à l’acmé de l’élan. Flexion du corps expirant la puissance des cuisses jusqu’aux demi-pointes, qui repoussent la barre. Extension en glissade sur les ischions qui s’agrippent et étirent au delà.

Accompagner toute entière sa course. Mon bassin encore bascule, mes jambes s’étendent à toucher la toile. Aspirée par le petit trou dedans où scintille le soleil. Et repart. Et revient. Et, à l’avant de la course des cordes, au delà du temps suspendu je propulse encore un peu de moi au-delà. Attraper l’étoile. Sinon avec les pieds, peut-être avec les cheveux, tempo arrière, frôler la toile.

Légèreté du poids, encore un instant annulé, disparu. Et à nouveau peser, fort. Contenue serrée par l’air qui résiste. Aller, venir. Parcourir le chemin jusqu’à cet autre point, cet autre instant où plus rien ne pèse. Suspendue en plein vol. Echappée de la gravité du monde. Fractions de secondes. Portes ouvertes au-delà de l’être pesant. Et le souffle et la joie. Le chant vient au cœur. Ici là, je suis. Toute entière à la vie.

Se balancer, juste se balancer comme sur une balançoire. Exister de l’accordage avec cet objet là. Plonger de lui, le trapèze, avec lui dans l’espace, déjouer les lignes de force, s’infiltrer dans le non poids, voltiger.

Lili

15/08/2012