Les Accents têtus

Paquebot

Dans la rue sombre, des torches brillaient ; des points de lumière un peu partout. On n’entendait rien, un silence de mort. On voyait les reflets des lampes sur l’eau, qui ondulait. Des barques traversaient en silence l’eau, avec toujours une lampe au bout. Des gens sortaient des immeubles sans bruit et se joignaient à la marche. Un petit garçon tenait la main de sa mère ; elle même tenait dans ses bras un bébé qui dormait. Le garçon s’arrêta brusquement. Il regarda en direction d’une barque. A l’intérieur se trouvait une jeune fille emmitouflée dans une couverture. Elle était rousse avec une multitudes de taches de rousseurs, on ne pouvait pas distinguer la couleur de ses yeux mais on voyait son nez en trompette. Au creux de sa main on pouvait apercevoir un petit médaillon doré avec une sorte d’entrelacement de fils, qui ressemblait à une boussole. Elle dormait d’un sommeil paisible.

- Maman, …la fille…c’est bien…
–  Julien, non ! Viens, on a de la route à faire. Laisse cette fille tranquille veux-tu ?
–  Mais Maman… c’est elle, j’te jure ! Faut la prévenir ! Elle ne sait pas se qui se passe !
–  Non ! Viens ! Un ami nous emmène dans sa barque. Papa et lui nous attendent. Allez viens !

A contre cœur, le garçon détacha son regard de la fille endormie et suivit sa mère. Et dans la nuit, rien n’avait changé. Les gens avançaient tous en deux files autour du canal, qui grâce à son eau faisait avancer les barques. On voyait dans le ciel les étoiles qui se répétaient sur terre en dizaines de torches qui affluaient des immeubles.

Marie se leva, s’étira et rassembla ses affaires. Elle avait dormi, comme d’habitude, dans une petite barque. Elle mit son médaillon autour du cou. Elle avait toujours peur de s’étrangler avec quand elle dormait. Elle prit son sac et marcha quelques pas. Dans une zone bien précise qu’elle seule connaissait, l’eau était peu profonde, et Marie pouvait se baigner. Après cette baignade froide, elle se rhabilla. Tout d’un coup, elle eut l’impression que quelque chose était bizarre…Une chose manquait, tous les matins, elle prenait ses affaires et allait se baigner, non ? « Réfléchis Marie. Tous les matin tu vas te baigner, mais après ? Mais oui… Les gens sortent de chez eux ? Evidement… Que tu peux être bête, Marie ! » Et puis maintenant, la rue semblait morte, pas un chat… Et puis il y avait toujours des barques… Et là il n’y en avait plus !

Marie sentit le danger, mais un peu trop tard… Un rugissement se fit entendre, il résonna dans la rue entière, frappant chaque mur et formant à la surface de l’eau de petites vaguelettes. Le sang de marie se glaça mais elle arriva quand même à marcher jusqu’à une ruelle, où elle avait entendu le bruit. Là, un spectacle incroyable aurait pu clouer de stupéfaction une personne normale, mais Marie n’était pas une personne normale… Elle se ressaisit et examina…
Il avait une coque noire sur tout le long, trois ponts tout blancs, à l’avant la coque était pointue comme pour démolir, ce qui était le cas, et deux grosses cheminées rouge et blanc en haut avec un peu de noir ce qui devait provenir des colonnes de fumée noire, et Marie distingua, à la proue du paquebot, le nom Le carnivore -ce qui finit, sur un ton joyeux, cette description.
Marie battit en retraite et regarda, bouche bée, le paquebot démolir les rues et ruelles qu’elle avait toujours empruntées ; elle s’était toujours assise sur le porche de cet immeuble, avait toujours demandé l’hospitalité au couple qui vivait ici… Que de souvenirs étaient immortalisés dans sa mémoire.

Marie se sentait impuissante. La rue du Canal ! Sa rue préférée justement… Si elle pouvait empêcher ce maudit paquebot de tout détruire ! Marie était dans une colère pas possible. Déjà que tous les gens qui la connaissaient étaient d‘accord pour dire qu’elle avait un caractère bien trempé… Ça dépassait les bornes. Mais Marie craqua et versa un torrent de larmes. Elle ne pouvait pas rester là. Ce serait trop triste, trop lourd pour elle. Et elle partit en courant à l’opposé du paquebot, car, il faut bien le dire, Marie savait quand cela valait la peine ou que cela mettait votre vie en danger.

Marie courait toujours quand elle entendit un grand bruit, encore plus fort que les autres. Elle était à bout de souffle, horrifié et elle sentait la fatigue la gagner. Brusquement, elle s’arrêta. Une rue entière avait été inondée, laissant flotter les poubelles et les meubles qui avaient été emportés des maisons par la force de l’eau. Celle-ci avait rejoint le canal en formant une grande flaque profonde. Il y avait du courant. Marie ne savait pas nager et elle le savait parfaitement pour avoir, à plusieurs reprises, voulut apprendre. Mais quand elle entendit un autre grondement, elle n’hésita plus et s’engouffra dans l’eau.

L’eau était froide mais elle était habituée car elle se baignait dedans tous les jours. Marie évita de penser aux canalisations qui allaient sûrement lâcher et faire une grande vague qui allait la noyer. Et, comme par hasard, Marie sentit la secousse qui provenait sûrement de LA grande vague. Et là Marie commença à courir… Ou du moins elle essaya. Allez dans une piscine et essayez de courir dans l’eau… On va voir si vous allez aussi vite que le monsieur qui nage à côté… Et la vague enroula Marie qui perdit l’équilibre. Elle essaya de nager mais c’était impossible avec la force de la vague. Impossible de gagner une des rives. Marie sentait ses forces la perdre. Elle allait bientôt se noyer… Mais soudain, elle aperçut une longue forme qui glissait lentement sur l’eau à la manière d’un serpent sur la terre. Et elle sentit qu’on la hissait hors de l’eau.

- Chut elle se réveille ! Pipo va t’occuper de ta sœur ! Et va sur le pont, Tête de pomme !

Marie ouvrit les yeux. Elle était dans une pièce toute blanche (qui lui rappelait douloureusement le paquebot) avec un grand lit fait d’une couette et une porte à droite. Marie était couchée sur un lit une place (le seul de la pièce) avec une couverture en laine qui la recouvrait entièrement. Au dessus du grand lit, il y avait une fenêtre ouverte sans rideau ce qui intrigua Marie car elle était dans une chambre. Elle était très simple et dépourvue d’objet de décoration (vous savez, ceux qui sont inutiles). Marie se rendit compte qu’elle n’avait plus son vieux jean troué et son pull en grosse laine qu’elle affectionnait particulièrement même s’il grattait. Elle avait une robe verte qui était un peu trop grande pour elle. Ses cheveux étaient humides et détachés.

- La p’tite c’est réveillée ?

Marie sursauta. Une vieille dame se tenait à sa gauche. La dame avait de grosses mains, une jupe de toile avec une veste qui n’allaient pas ensemble, sa peau était toute bronzée et elle avait une multitudes de rides sur le visage, ses cheveux étaient en bataille mais retenus par un élastique. On pouvait dire que cette dame avait en permanence un sourire rieur. Marie en resta bouche bée.
- Comment…êtes-vous entrée ici ? articula-t-elle.
- Par la porte ma chérie. Quelle question… répondit la vieille dame.
Marie remarqua à l’instant une porte à sa gauche qui était discrète car elle était peinte en blanc.
- Tu sens l’odeur, hein ?
Marie huma une odeur d’herbes fraichement coupées.
- C’est la cuisine du bateau ! dit fièrement la vieille dame.
- Du bateau ?!! Nous sommes sur un bateau ?
–  Evidemment.
–  Mais qui êtes-vous ?
–  Moi ? Mamie Gert ! Quelle question ! Tout le monde me connaît dans le coin. Je suis docteur !
dit-elle avec une pointe de fierté dans la voix.
- Docteur ? Médecin, plutôt.

Même si elle vivait dans la rue, Marie était allée à l’école puis au collège comme tous les autres enfants. Par contre elle n’avait jamais cherché à avoir des amies et était toujours restée dans son coin. De toute façon, personne n’avait envie d’être amie avec elle et certaines filles faisaient tout pour lui gâcher la vie.
- Je… peux sortir… s’il vous plaît ?
–  Hum… Ah… Vas-y.

Marie sortit par la porte qui menait sûrement sur le pont. A peine sortie, elle sentit le vent lui fouetter le visage. Elle n’était pas sur la mer. Toute son enfance, elle avait rêvé d’y partir. Elle y pensait tous les jours. Mais, chose curieuse, elle se rappelait bien avoir, un jour, senti l’odeur salée. Elle n’avait aucun souvenir de ses parents mais une chose était sûre, elle était allée à la mer avec eux. Elle ne savait pas trop pourquoi mais elle en était sûre.

Sur le pont (Marie ne s’était pas trompée), il y avait un tas de cordages (qui ne devaient servir strictement à rien puisque c’était un bateau à moteur) avec, au centre… ben…un enfant avec trois petites filles agglutinées autour du tas et qui semblaient en vouloir au petit garçon. A droite, un homme des plus curieux était adossé à la rambarde du pont. Il portait un blouson noir style motard mais plus léger et un jean (ce qui fit rappeler à Marie de récupérer ses affaires.
- Elle t’a dit quoi la Mamie ? lui demanda l’homme.
- Euh… et bien… (Marie se méfiait de cet homme) rien, rien du tout. Elle m’a simplement demandé comment je m’appelais. - Ne blague pas avec moi, tout le monde sait qui tu es.
–  Ah, vraiment ?
dit Marie sur un ton de défi. Et je suis qui alors ?
–  Marie. Tu as onze ans et tu es la fille de la grande prophétie qui fait peur à tout le monde,
dit machinalement l’homme.

Marie en resta bouche bée (ça lui arrivait souvent aujourd’hui). Mamie Gert apparut au seuil de la porte. Elle s’adressa à l’homme : - Elle ne sait rien. Et maintenant va falloir lui expliquer tout. (Elle se tourna vers Marie). Il y a très longtemps, une prophétie a été dite. Si un enfant qui atteindrait l’âge de treize ans, et qui devrait avoir pour parents de grands magiciens qui viendraient à disparaître, cet enfant, et lui seul, aurait la capacité de détruire (elle baissa tellement la voix que Marie dut se rapprocher) Le Grand Seuil ou si tu préfères… Les forces Invisibles.
Tout enfant aurait ri de ces paroles dites sur un ton mystérieux, mais Marie ne rit pas du tout et, au contraire, ça lui glaça le sang.
Cette journée avait pourtant bien commencé…

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Marie se leva de son lit qui grinça. Elle marcha dans le noir et trouva enfin la porte qui la mena sur le pont. Le bateau s’était arrêté le soir pour refaire provision d’eau et que les enfants puissent courir avant d’aller se coucher. Marie avait appris que l’homme bizarre était le fils de mamie Gert et qu’il s’appelait Léo et que les quatre enfants étaient ses neveux.
Marie s’assit sur les faux cordages et regarda des vaguelettes se heurter à la coque du bateau. Elle repensa à toute la journée qui s’était écoulée sans qu’elle puisse avoir un moment pour réfléchir à tout ce que lui avaient dit mamie Gert et Léo.
Alors comme ça ses parents étaient disparus ? Elle ne s’était jamais posé de questions sur le fait qu’elle soit orpheline et on lui avait toujours dit que ses parents été morts quand elle était petite, c’était pour ça qu’elle n’en gardait aucun souvenir… Pourtant elle se souvenait bien d’être allée à la mer avec eux et elle avait la certitude que ce n’était pas quand elle ne savait à peine marcher.

Mais le pire était cette prophétie… et puis cette histoire de magiciens. Tout s’embrouillait dans sa tête. Elle avait l’impression d’être dans un rêve qui n’en finissait pas.
Ses parents étaient des magiciens… c’était impossible. La magie n’existait pas et si ses parents avaient disparu ils auraient tout fait pour la retrouver, elle, Marie, qui ne les avait jamais connus et qui avait souffert d’être orpheline. Si la magie existait ils ne seraient pas morts !
Marie ne pouvait pas s’empêcher de penser à la journée bizarre qu’elle avait passée avec les Gert…

A l’intérieur, il y avait une cuisine, quatre chambres et un salon spacieux. Pourtant à l’extérieur on ne voyait que la cabine où on commande le bateau alors que Marie n’en avait vu aucune ! Et on aurait dit que le bateau avançait tout seul sans que personne ne s’en occupe ! Et les Gert n’avaient pas à s’inquiéter pour la nourriture car elle se trouvait sur la table du salon sans que personne ne soit entré dans la cuisine ! Et il n’y avait pas de réserve pour la nourriture… Marie commençait à craindre le pire… Mais après tout ! Cela pouvait bien exister. Mamie Gert lui avait dit qu’elle était magicienne et que son fils aussi. Mais si tous les magiciens ressemblaient aux Gert…

Marie avait quand même posé une dernière question. Quelle était cette prophétie qui la concernait ? Comment pouvait-t-elle, à treize ans, vaincre des forces dont Mamie Gert n’osait même pas prononcer le nom ? Le lendemain lui apporterait sûrement des réponses et elle pourra questionner à nouveau Mamie Gert. Elle se leva et regagna son lit. Elle ne se doutait même pas qu’elle n’aurait pas la possibilité de parler à Mamie Gert ni même de la voir.

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Marie rêva. Elle rêva de la pire journée de sa vie. Elle était en 6ème, son prof de maths allait rendre les interros et Marie savait qu’elle aurait une mauvaise note car elle n’avait pas révisé. De plus, M. Lonade la haïssait depuis longtemps.
C’est pour cela que Marie attendait avec une certaine appréhension que le prof arrive à sa note. Elle avait toujours été nulle en maths.
Miriam se retourna. C’était une grande brune qui avait déclaré Marie souffre-douleur de l’année. Miriam ricana.

- 18/20 et toi ? A oui c’est vrai M. Lonade garde ta copie en dernier. « Le meilleur pour la fin. » C’est pas ce qu’il disait non ?
–  La-ferme Miriam.
–  Doucement… Faut pas t’énerver sinon tu vas te prendre une heure de colle, faut pas en rajouter une autre non ?
lança Miriam en se retournant brusquement.
Marie savait bien que Miriam voulait l’énerver pour qu’elle se récolte une punition mais elle gardait son sang froid.
- M. Massebel, je pense que vous n’avez pas appris votre leçon ? Je ne me trompe pas ? cingla M. Lonade en fusillant du regard le pauvre Martin qui se ratatina sur sa chaise.
- 5 ! beugla le prof en lui jetant sa copie à la figure.
Si Martin a eu 5, je suis morte.
- Aaah… La cerise sur le gâteau ! Pour une fois vous ne plafonner plus à 3…mais à 2 ! s’écria M. Lonade, ses yeux pétillaient de bonheur, c’était l’heure de ridiculiser l’élève qu’il détestait le plus. C’est parti… pensa amèrement Marie.
- Je ne vais pas lire de passages cela pourrait choquer le jeune public ! s’exclama le prof qui rayonnait.

Miriam se retourna et lança un clin d’œil à Marie qui avait vraiment envie de la gifler. M. Lonade aperçut ses mains qui tremblaient. Il sourit et lui lança un regard cruel.
- Il va falloir que je prenne rendez-vous avec vos parents…
Marie serra les points. Evidement… Il fallait que ce prof lui rappelle qu’elle était orpheline.
- Je n’ai pas de parents. Je… Je suis orpheline.
- Oooh… je suis désolé… dit M. Lonade. Pourtant son visage se tordit en un sourire cruel. Alors qui vous héberge ? Un membre de votre famille ?
- P… personne,balbutia Marie qui était au bord des larmes.
- Elle est orpheline monsieur,dit Miriam qui était elle aussi au bord des larmes mais de rire.Et comme personne ne veut d’elle, elle vit dans la rue. Mais qui voudrait d’elle, n’est-ce pas ?
- Je comprends… murmura le prof tellement bas que seulement Marie et Miriam purent l’entendre. Alors il faudra une petite correction…
- Non !s’écria Marie en se levant brusquement. Tout les ricanements et les chuchotements s’atténuèrent pour se réduire à un silence. Le prof toisa Marie de toute sa hauteur ce qui faisait pas mal).
- Comment ?
La voix de M. Lonade était devenu glaciale et son regard pas plus chaleureux.
- Je… J’ai dit que non.
Marie balbutiait et perdait toute son assurance quand elle croisa le regard de son démoniaque prof de maths.
- Et bien je ne crois pas que c’est à vous de décider. Miriam, accompagnez-là chez la CPE, cracha le prof avant de se retourner. Miriam rayonnait. Elle se leva et partit vers la porte. Marie la suivit, elle savait bien que cela la menait à un rapport, pire, à une exclusion, mais Marie n’avait pas pu s’en empêcher et maintenant elle était dans la galère.
Miriam se retourna. Elle arborait son sourire qu’elle adressait toujours à Marie.
- Tu t’es mise dans une galère pas possible,ricana-t-elle,avec un peu de chance, tu seras exclue.

Marie ne répondait pas. Miriam avait raison, elle allait être renvoyée et aucun collège ne voudrait d’elle. La CPE était une femme gentille mais stricte. Pourtant elle avait exprimé de l’affection pour Marie mais cette dernière ne pensait pas qu’elle sauterait de joie quand Miriam lui expliquerait l’affaire.
Les deux jeunes filles arrivèrent devant le bureau. Les mains de Marie étaient moites et elle transpirait. Miriam, un sourire glorieux aux lèvres, frappa à la porte. Elle se retourna et regarda Marie.
- Tu es morte.
- Merci,répliqua Marie.
Miriam frappa à nouveau mais personne n’ouvrit. Elle fronça les sourcils. Elle frappa cette fois ci plus fort mais aucun son ne provenait de la pièce.
- C’est pas normal ça…balbutia Miriam. Et elle tambourina à la porte.
Les coups résonnaient dans la tête de Marie, elle commençait à sérieusement transpirer.
- Madame la CPE !criait Miriam. Mais qu’elle se taise celle là.
- Ouvrez ! cria Miriam qui tambourinait à la porte.
- Pierre ! Aide-moi ! Elle ne répond pas !

Marie transpirait encore plus, elle avait l’impression d’être dans un four. Et Miriam qui tapait toujours. Pourtant elle distinguait les contours de sa chambre étrangement orangée.
- Arrête de taper ! hurla Marie. Elle entendit la porte du bureau de la CPE se décrocher de ses gongs avec un horrible craquement. Non… Ce n’était pas ce qui s’était passé.
- Pierre vite !
Et Marie se réveilla. Sa chambre était en feu et de la fumée sortait de la porte qui menait à la cuisine. Marie tituba et sortit de son lit avec peine. C’est à ce moment là qu’elle aperçut deux adolescents sur le pas de la porte.

Le premier était un garçon avec des cheveux noirs et emmêlés qui la regardait comme si elle était une limace particulièrement horrible. Il portait un t-shirt avec un vieux jean comme le sien et des chaussures de marche qui n’allaient pas avec l’ensemble.
Le deuxième était une fille. Elle était plus grande que le garçon et semblait plus forte. Elle avait les mêmes cheveux bruns que lui mais avait des yeux bleus pétillants de malice contrairement au garçon qui avait des yeux marron et tristes.
Ils se précipitèrent vers elle et la tirèrent hors de la pièce. Marie était sous le choc et se laissa trainer jusqu’au moment où la fille la força à passer par dessus bord. Marie se débattit mais le garçon prêta main forte à la jeune fille et ils tombèrent dans l’eau avec Marie. Ils nagèrent à peine pendant quelques secondes que Marie se retourna juste à temps pour voir le bateau exploser.

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Ils nagèrent pendant une minute puis se hissèrent à grande peine sur la terre ferme et entrèrent dans une grande maison. Marie était trop abasourdie pour regarder tout autour d’elle.
Ils étaient entrés dans une petite entrée qui n’avait rien d’impressionnant, mais ils suivirent un long corridor qui les mena à un magnifique salon. Aucune lumière n’était allumée mais on voyait comme à l’extérieur grâce à de grandes fenêtres. Les meubles sortaient droit de chez un antiquaire mais très bien restaurés. Au milieu de la pièce, il y avait un assortiment de canapés et de sièges mœlleux. Avec un grognement de plaisir, la fille se jeta sur un des canapés et ronfla tout de suite.

- Bon… Je vais faire du thé,déclara le garçon en retournant vers la porte.
- Du thé ? balbutia Marie qui revint à la réalité tout d’un coup.
Mais le garçon l’ignora et sortit de la pièce. Marie s’assit avec raideur dans un des fauteuils. Elle n’était pas rassurée et n’aimait pas cet endroit. De plus elle ne connaissait pas ces personnes et ne savait pas s’il lui voulait du mal. Elle se retourna pour regarder la cheminée derrière elle quand l’autre jeune fille lui parla.
- Désolé pour le petit somme mais on n’a pas beaucoup dormi.
Marie se retourna. La jeune fille ne semblait pas méchante mais Marie se méfia.
- Où sommes-nous ? Et puis t’es qui ? questionna Marie.
- Où est mon frère ? s’exclama la fille qui ignora la question.
- Préparer du… thé. Bon tu m’as entendu ?
- Attend, mon frère doit revenir.
Marie savait au moins une chose, les deux ados étaient frère et sœur. Le garçon revint, un plateau en équilibre sur une main et des serviettes dans l’autre. Il posa le tout sur la table basse au centre et s’assit le plus loin possible de Marie. Bon, déjà, je suis un monstre pour lui.

- Bon, on va commencer. Moi c’est Katia et lui, elle tourna la tête vers son frère, c’est Pierre,dit la dénommée Katia.
Pierre ricana. C’était la première fois que Marie le voyait rire et même sourire.
- Katia ? Non je ne crois pas que maman t’aie appelée Katia mais Catherine ! s’exclama Pierre qui continuait de rire. Sa sœur rougit et se tourna vers Marie.
- Ne fais pas attention à lui, je m’appelle bien Katia. Dit-elle tout en rougissant encore plus. Alors son frère éclata d’un rire tonitruant et Marie pensa qu’il devait être plus sympa qu’il n’en avait l’air avec sa tête d’enterrement.
- Bien sûr qu’elle s’appelle Catherine mais elle a tellement honte qu’elle veut qu’on l’appelle Katia !
- Tu ferais la même chose si tu avais eu un nom aussi ridicule que le mien ! cria Katia, aussi rouge qu’une tomate.
- C’est bon ne le prend pas comme ça ! Et puis tu…
- STOP ! cria Marie.

Elle ne savait pas pourquoi mais elle en avait marre de les entendre se disputer. Elle avait plein de questions à leur poser et ils se disputaient comme des gamins. Maintenant ils la regardaient, le visage à deux centimètres chacun.
- Euuuh… Marie ne savait pas quoi dire et était un peu intimidée par ces deux ados qui avaient pourtant le même âge qu’elle.
- Déjà je connais vos noms mais je ne sais toujours pas qui vous êtes…
Katia se tourna à contre cœur vers Marie en lançant un regard dégoutté à son frère.
- Nous sommes des apprentis magiciens comme toi, commença Katia. Tu as bien 11 ans ? Marie acquiesça.
- Et bien moi aussi et mon frère à un an de plus. Nous avons dû partir de chez nous pour accomplir l’épreuve des 100 jours. C’est une épreuve que doivent accomplir les ados de notre âge pour entrer dans l’école de magie. Si tu a obtenu une bonne note tu pourra intégrer une des meilleurs classes sinon tu iras dans une mauvaise et tes fesses se seront transformées en steak hâché grâce à tes parents. Enfin nous sommes partis depuis seulement 6 jours et j’ai déjà eu un songe,dit Katia qui s’était rapprochée de Marie et lui avait mis une tasse de thé dans les mains.

- Un songe ? Qu’est ce que c’est ? questionna Marie.
Pierre prit la parole :
- On en a un pendant l’épreuve et il faut l’accomplir mais il arrive souvent vers le trentième jour, pas la première semaine… - Mais c’est quoi ?!! s’exclama Marie qui se demandait quel rapport il y avait entre le songe et la disparition des Gert.

Pierre sembla buter sur l’intervention de Marie et s’enfonça dans son siège sans répondre à sa question. Katia prit le relais : - C’est la deuxième fois que Pierre repasse l’épreuve car il n’a pas eu de songe pendant sa première tentative alors que son co-équipier en a eu, dit Katia en lançant des coups d’œil inquiets vers son frère qui boudait encore. On doit se séparer quand une des personne a eu un songe pour quelle l’accomplisse toute seule. Mais nous avons décidé de rester ensemble malgré l’interdiction. En espérant que Pierre ait un songe… chuchota Katia encore plus inquiète.

- J’AI TOUT ENTENDU !!! cria Pierre en se levant subitement.
Marie sursauta et renversa la moitié de son thé sur son pantalon. Pierre se tourna vers cette dernière et lui lança un regard noir. - Tu es apparue dans le songe de ma sœur mais on ne c’est pas quoi faire de toi et maintenant ma sœur te raconte toute notre histoire comme si on se connaissait depuis longtemps ! articula Pierre avec un calme glacial. En espérant que tu nous aides mais si tu ne sais rien faire tu peux passer ton chemin, continua-t-il en montrant la porte du doigt.

Marie était choquée. Elle avait remarquée que Pierre ne semblait pas l’apprécier mais elle ne savait pas que c’était à ce point. Des questions se bousculaient dans sa tête et elle avait en face d’elle des personnes qui pouvaient répondre à ses questions et elle n’avait pas envie de les lâcher car elle ne savait pas où aller.
- Bon, articula Marie, mal à l’aise, par ces yeux tournés vers elle, je sais que tu ne m’apprécie pas mais j’ai besoin de vous et d’après vos explications sur votre songe, vous avez besoin de moi vous aussi. Expliquez-moi tout et on essayera de réfléchir sur votre songe, ok ?

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Pierre aimait bien sa sœur mais après son songe il s’était inquiété. Il avait un an de plus qu’elle et elle avait eu un songe avant lui. Déjà qu’il n’avait pas réussi sa première épreuve… Il se souviendrait toute sa vie les regards sévères des juges et quand on lui avait annoncé qu’il n’avait même pas eu un songe. Et quand ils lui avaient donné une autre chance. Pierre savait qu’il était un raté mais sa sœur lui avait donné une nouvelle chance en prenant des risques pour qu’il ait des chances de réussir. Il aimer beaucoup sa sœur malgré leurs disputes fréquentes.

Ils étaient très proches depuis tout petits et il ne supportait pas qu’elle ait d’autre amis que lui. Et quand elle avait rêvée de cette Marie, il avait cru perdre sa sœur. Et maintenant il la voyait essuyer les taches de thé sur le pantalon de sa nouvelle amie. Ca le mettait dans une rage folle.
- Je te signale que l’on ne doit avoir aucun contact avec l’extérieur, on ne peut pas rester avec cette fille, cracha-t-il.
- Je te signale que j’ai eu un songe et que nous sommes censés être séparés,répondit Katia glacialement.
Pierre soupira. Match perdu. Il s’assit dans un siège :
- Ok, je t’explique…
Et il dit tout. Il expliqua l’école de magie avec le classement par réussite d’épreuves, que tu avais 100 jours pour accomplir ce que tu avais vu dans ton songe pour prouver que tu pouvais étudier pour être un véritable magicien. Ce songe flou qu’avait eu Katia qui se résumait à des flammes et toi qui dormait.

- Nous avons tout de suite reconnu la péniche des Gert. Continua Katia. Nous étions assez proches et nous avons accourus. C’était trop tard, nous avons réussit à te trouver mais pas une trace des Gert…
- QUOI ?!! Mais ils étaient là la veille ! s’exclama Marie.
Katia baissa la tête.
- Dans mon songe, on voyait le bateau en flamme et toi mais pas les Gert, balbutia Katia, mal a l’aise, Je suis désolée mais on n’a aucun indice pour les retrouver.

Marie qui s’était levée brusquement à l’énonciation de la disparition des Gert, se laissa tomber dans son siège. Elle semblait désespérée mais Pierre ne vient pas prêter main forte à sa sœur pour consoler Marie. Il ne l’aimait pas malgré les coups d’yeux agacés que lui lançait sa sœur.
Marie releva la tête et se poussa doucement de Katia.
- Pourquoi je serais apparue dans ton songe ? questionna Marie à Katia.
- Ca a sûrement un rapport avec la prophétie, murmura Katia en lançant un coup d’œil à son frère.
- La grande prophétie ? questionna Marie.
- Comment le sais-tu ?
- Mamie Gert en parlait avec Léo à des moments mais je ne l’ai entendu qu’une fois et je n’ai rien compris…
- C’est la prophétie la plus importante depuis, mmh…commença Katia, des siècles. Elle te concerne. Tu connais tes parents ?
- Non.
- Et bien c’était de grands magiciens, ils ont combattus contre les Forces Invisibles…
- Les Forces Invisibles ? Mamie Gert les avait nommées une fois mais je ne l’ai pas prise au sérieux… Genre, elles sont vraiment « invisibles » ?
- Pas à proprement parler, dit Pierre qui semblait parler à contre cœur, on les appelle les Invisibles car, quand ce clan était au plus haut de sa puissance, ils utilisaient beaucoup d’espions parmi les bons magiciens continua Pierre d’un air sombre.
- C’était une excellente technique, les gens ne savaient pas à qui faire confiance et tout le monde avait peur. Ils utilisaient la peur comme arme pour organiser des meurtres sur des personnes influentes du monde de la magie. Mais c’était à l’époque où l’on n’était pas née. Bref, c’était la panique partout, les Invisibles profitaient de la panique pour prendre le pouvoir. C’est là que tes parents sont intervenus, ils étaient d’excellents magiciens en combats et ils étaient très influents dans le monde de la magie. Ils semblaient connaitre tous les pièges que leurs tendaient les Invisibles.

Katia semblait être sur son nuage. Pierre la secoua énergiquement. Il savait qu’elle était une grande fane des magiciens Chomaz. Mais il pensait qu’elle exagérait (…)

Marlène

02/08/2012